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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 21:27

   DSCN8454.JPG   Ce ne sont décidément pas les menaces qui manquent en cette déjà presque fin d'été - si tant est qu'il ait commencé. Pour le gouvernement, qui fait sa rentrée ce mercredi, le pire à déplorer c'est évidemment la panne de croissance et, par là même, de confiance. Vous me direz que tout ça n'est pas très neuf. C'est vrai. Pour les amateurs de pénuries plus inédites, en voici une qui surgit là où on ne l'attendait pas. Appelons-là "la crise de la noisette". Du fait de mauvaises conditions météorologiques en Turquie, pays producteur de quelque 70% du fruit sec en question, nous voici paraît-il condamnés à mettre la cuillère douce dans le pot de Nutella. Pour les écureuils non plus, c'est pas sympa, mais on ne va tout de même pas les plaindre avec ce qu'ils nous rongent de Livrets A.

   C'est tout, côté nuages? Ce serait trop beau. Ce qui, pour couronner le tout, nous pend désormais au nez, c'est un volcan islandais. Un de ceux qui, lorsqu'ils reprennent de l'activité, nous en mettent plein la vue. On se souvient du - allez, lançons-nous - Eyjafjallajökull qui, en 2010, avait mis une sacrée pagaille dans l'espace aérien. Le nouveau, si l'on en juge par son appellation qui sonne un peu moins scrabble scandinave, ne serait pas tout à fait aussi pernicieux. Pour l'instant, on ne sait pas ce que réserve le Bardabunga - c'est son nom - mais, au point où en sont les choses, mieux vaut s'attendre au pire.

   Et à part ça, quoi d'autre? A part ça, bonne rentrée, bien sûr! D.P. 

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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 21:16

   C'était sur quelle chaîne, ce polar d'été? Et c'est de qui ce film au scénario si bien ficelé? De Melville, de Verneuil, de Lautner? Non, tout faux. Ce n'était pas du cinoche, juste un fait divers. Mais avouez qu'on pouvait s'y tromper tant l'attaque, dimanche soir, à la Porte de la Chapelle à Paris, du convoi d'un prince saoudien fait davantage songer à la fiction qu'à la réalité.

   Un synopsis inédit réglé au millimètre près. Un arrière-plan social avec le fric du pétrole au coeur des convoitises des bandits occidentaux. Des "documents sensibles" embarqués en plus du magot. Des kalachnikovs contre un Royaume. Bref, des ingrédients sur mesure, si l'on peut dire. Et tout cela sans une goutte de sang. A croire qu'au fond, ces malfrats-là étaient plutôt bons princes... D.P.

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17 août 2014 7 17 /08 /août /2014 23:39

   telechargement.jpg   Qui c'était, déjà, celui-là? Il n'était pas un play-boy, il ne payait pas de mine, avec sa grosse moustache et son long nez de fouine. Il s'appelait Pierre Vassiliu et, en 1972, il avait fait un tabac avec cette insistante ritournelle scandée sur un air brésilien de Chico Buarte. Lui qui aimait Ravel, le jazz et Brassens, c'est en jouant le rigolo qu'il se fit remarquer avec, comme spécialité, si l'on peut dire, les complaintes déconnantes et les parodies de comptines. Tout le monde a fredonné un jour, avec lui, Armand, Ivanohé ou Samedi soir l'empereur, peut-être même, qui sait, à l'Olympia, en 1962, où l'animal aux bacchantes de Gaulois et au blase des Carpates avait réussi à faire, excusez du peu, la première partie des Beatles.

   Fichue performance car enfin quoi, l'avait un drôle d'accent ce gars-là, l'avait une drôle de voix. Mais comme beaucoup d'amuseurs, le yé-yé malgré lui, qui sut malicieusement glisser un brin de fantaisie dans les années Pompidou et Giscard, était aussi un tendre qui parvenait à mettre la larme à l'oeil lorsque, entre deux échappées en Afrique, il invitait Dans [sa] maison d'amour ou prônait l'Amour amitié ("Je ne sais pas si par dépit ou par pitié / Je franchirai cet océan / qui va de l'ami à l'amant").
   Le soixante-huitard tendance paillard mit alors le cap au Sud où l'attendait sa Marie en Provence. Le public, qui n'aime pas trop la liberté des artistes, perdit sa trace. S'il continua à chanter, ce fut dès lors surtout pour lui-même et ses proches. En apprenant sa dispartion hier, nous étions nombreux à nous dire cruellement: "Tiens! Vassiliu était donc toujours là". Rongé par la maladie de Parkinson, l'ex-chanteur populaire n'avait pourtant que 76 ans."Voyant que sur Terre tout n'était que vice, il est monté dans son engin interplanétaire et il ne remit jamais les pieds sur la Terre".    D.P.
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15 août 2014 5 15 /08 /août /2014 11:30

   DSCN8354.JPG   Pendant les vacances, les billets de Voix de l'Ain continuent. Voici ceux des 1er ("Tous en rond") et 7 août ("Trempettes de la renommée"), période propice s'il en est aux sujets dits"d'été". Celui du 15 août, prônant la "Course à la lenteur", sera lisible ici prochainement.

   (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

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14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 22:01

 DSCN8115   On pourrait ne pas s'y arrêter. Vous pensez, il se passe tellement de choses dans ce bas monde. D'ailleurs, l'information ne fait sans doute guère plus de quelques lignes dans le journal. Le corps d'un homme a été retrouvé à son domicile d'Uvernet-Fours, près de Barcelonnette, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Du banal, on vous l'avait bien dit. Sauf que, selon les premiers éléments de l'enquête - la dépouille était momifiée, pardon pour les détails -, la mort remonterait à "au moins six ans". Six ans! Imagine-t-on cela? Ce n'est pas rien tout de même que six ans!

   Le malheureux, dont le décès aurait "une cause naturelle", vivait sans doute en reclus dans un endroit isolé, se dit-on alors. Eh bien non, puisque ce sont les voisins du petit immeuble collectif - si, si, "collectif" - qui ont donné l'alerte. Et ce qui frappe encore davantage dans ce qu'il est convenu d'appeler sobrement "un drame de de la solitude", c'est que, comme souvent en pareil cas, c'est à cause de l'odeur que les riverains se sont manifestés.

   Comment peut-on encore, en 2014, à l'heure triomphante des réseaux sociaux et de la communication à tout crin, disparaître sans inquiéter de façon autre qu'olfactive? A croire que la "simple"  absence, comme l'argent, n'aura jamais d'odeur. D.P.

Photo © D.P.


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13 août 2014 3 13 /08 /août /2014 22:35

   DSCN8341.JPGDSCN8338.JPG            Il ne manquait plus que cela à ce mois d'août tout de gris, de pluie, de frissons. L'extinction des étoiles. Celles qui brillaient en bleu acier dans les yeux de Lauren Bacall nous ont lâchés au plus creux de l'année, dans cette faille du calendrier où les remémorations font leur lit de camp dans la provisoire amnésie des vacances. Ainsi filent les légendes. Ainsi plongent les mythes dans Le grand sommeil du monde. Lauren avait 89 ans. Et ça faisait presque trois décennies qu'elle continuait sans lui.

   Lui? Bogard, bien sûr, qui fut son partenaire à l'écran et dans la vie. Mieux qu'un couple, une icône à double visage. Les voilà donc désormais là, seuls ensemble à jamais dans Le Port de l'angoisse:  "Si vous avez besoin de moi, vous n'avez qu'à siffler. Vous savez siffler, Steve? Vous rapprochez vos lèvres comme ça et vous soufflez!" C'est sans doute cela qui vient de se produire. Steve-Bogey a dû appeler quelque part là-haut, après avoir fait glisser le pouce sur sa lippe pour chasser un grain de tabac, et Lauren s'est envolée le rejoindre.

   Ainsi s'en vont Les passagers de la nuit d'août. Lauren au lendemain de Robin (Williams), parti à 63 ans, la gorge nouée de tourments et de vieux démons, bouclant la boucle du cercle des poètes - et des acteurs - disparus. D.P.

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11 août 2014 1 11 /08 /août /2014 22:36

   Anniversaire chat 5-1-   C'est l'énigme du jour, pour ne pas dire le cluedo. Il ne sera ni à la Lanterne, ni dans sa résidence de Mougins, ni chez son père à Cannes. A Brégançon? Non plus. Alors où? Avis aux bookmakers. Tous les paris sont ouverts. La seule chose que l'on sait, c'est que François Hollande fêtera bien, ce 12 août, ses soixante ans quelque part "dans le Sud-Est". Un anniversaire en famille, rien de plus. Au bénéfice d'une brève trêve estivale, le Président, à qui l'on prêtait pour l'occasion des projets matrimoniaux démentis, ne sera(it) entouré que de ses quatre enfants, Thomas, Clémence, Julien et Flora. Il faut dire que le contexte du moment n'est pas aux célébrations bling-bling. Pas plus que, par anticipation, celui de la rentrée proche. Et mollo sur le gâteau. Pédalo ou pas, le capitaine se doit de garder du souffle. Si tant est qu'il en ait encore un peu. "La vie commence à soixante ans" chantait Tino Rossi. Tu parles! La vie d'un chef de l'Etat, de nos jours, c'est tout sauf de l'opérette. D.P.

   (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 21:56

   Dans l'actualité chargée de ce pas très drôle d'été plein de crashes et de guerres, de virus et d'orages, il y a soudain ces yeux bleus et cette petite voix. Une voix qui vient du pays des Vikings et qui nous dit tout à trac: "Je suis le fils de François Mitterrand". Pardon, a-t-on bien entendu? Au cas où nous douterions, la voix se fait répétitive comme celle du Petit Prince qui demande qu'on lui dessine un mouton: "Je suis le fils de François Mitterrand". On croit d'abord avoir affaire à un remake bricolé par quelque média en mal de sujets aptes à divertir dans les campings et sur les plages. Mais non, les propos sont bien réels.

  Prénommé Harvn, celui qui est aujourd'hui candidat aux législatives dans sa Suède natale, a pour maman Christina Forsne qui vécut une liaison d'une quinzaine d'années avec l'ex-président socialiste, ce qui rend crédible l'aveu venu du Nord. Crédible mais pas certain. Autant dire qu'il y a tout pour que cette histoire, qu'un Marc Lévy ou un Guillaume Musso aurait pu signer, passionne. D'autant plus que les confessions people conviennent particulièrement au mois d'août. Passions cachées, énigmes, (dé)raisons d'Etat...

   Voilà en tout cas qui nous ramène à ce passé pourtant pas si lointain où les hommes politiques avaient encore des secrets. La filiation de Mitterrand, comme celle de Montand, est, allez donc savoir, peut-être plus vaste dans l'imaginaire collectif que dans les faits. De quoi fasciner encore trente ans après toutes celles et ceux qui sont en quelque sorte - au figuré, bien sûr, cette fois-ci - les enfants de F.M. D.P.


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2 août 2014 6 02 /08 /août /2014 13:29

   2014-07-375.jpg   A lire ici, trois récents billets de Voix de l'Ain: "En roues libres" (11 juillet), "Partir un peu" (18 juillet) et "Tuerie(s)" (25 juillet). Celui de cette semaine, "Tous en rond" (journal du 1er au 8 août), sera disponible sur ce blog dans quelques jours.

   (Cliquez sur les images pour les agrandir).

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31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 21:40

   2014-07--1-.jpgcatalog-cover-icon.png Dans la dernière livraison du Nouvel Observateur (du 31 juillet au 6 août), ce bel article de Jérôme Garcin consacré à mon récit Un beau soir l'avenir, paru il y a quelques semaines aux éditions La Passe du Vent. Un article illustré par une photo de l'ami Bernard (Revel) prise devant notre massif d'hortensias bressan. Merci à eux.

   (Cliquez sur les images pour les agrandir).

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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