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6 juillet 2014 7 06 /07 /juillet /2014 15:58
 DSCN7649 DSCN7659.JPGDSCN7643.JPGDSCN7639.JPGDSCN7640.JPG10524973_1474360302805912_1914416715_n.jpg   DSCN7644.JPG   Il y a toujours quelque chose d'un peu impressionnant dans une séance de signatures. On est là assis devant une pile du nouvel opus qui sent encore l'encre fraîche, un peu inquiet à l'idée que nul n'ose s'approcher de la main dédicatrice. Crainte vite levée hier dans le bel espace de la vénérable librairie Montbarbon à Bourg-en-Bresse. Voici ce sourire inconnu qui s'immisce. Voici cette dame les bras déjà chargés de livres (mais si, ça existe encore), voici l'ex-confrère journaliste, auteur lui aussi, descendu pour l'occasion de sa montagne bugiste.
   Et ce visage, là, qui ne nous est pas étranger? L'homme avance la main: "Vous me reconnaissez?" On tente une lente réponse affirmative qu'on imagine propice au sursaut mémoriel.  Et soudain tout revient. Les années lycée. Le prof d'histoire-géo. Les frontières et les dates. La toundra et Napoléon. Et le potache d'hier qui cherche, dans le vertige blanc de la page de garde et dans l'alphabet fiévreux de l'émotion, des mots pour sceller ces instants de retrouvailles.
   Voici, fendant le cercle des proches, de la famille et des gens du village, les copains resurgis, ceux de l'époque rebelle des clopes et des disques, des mobs et des cheveux longs, de Léo et d'Hendrix. "A toi, l'ami...". "Avec le bon souvenir de nos..." "Pour refaire le chemin...". Voici Philippe en chapeau blanc, par-delà les Entailles du temps. Voici Florence, la Dauphinoise redevenue Bressane. Voici Annie et Christian, Simone et Pierre, ML et Charles, avec qui parler à nouveau de poésie et de peinture, de racines et de sources...
   Mais cette petite dame qui se glisse, là, tout en noir, que murmure-t-elle? Quatre vers. Quatre vers qu'elle connaît par coeur. Quatre vers esquissés par l'auteur "en dédicaces" par ce chaud samedi de vacances alors qu'il n'avait pas vingt ans: "Un homme seul qui va mourir / écrit quelque part à Personne : Je t'aime et ça le fait sourire / Un homme seul quand la mort sonne". Son paraphe serré entre ses doigts, la visiteuse repartira en ne lâchant qu'un prénom: Julie. Mais non sans avoir laissé sur la table presque vide de quoi méditer à l'infini sur l'étrange destinée de ces ces improbables objets anachroniques qu'on appelle des livres. D.P. 

Avec Charles et Christian. Avec Annie et Françoise. Avec Jacques A., l'ex-prof du lycée. Avec Christian G. Avec Christian C.-E. Avec Jean-Claude et Michel. Photos ©D.P.
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5 juillet 2014 6 05 /07 /juillet /2014 09:48
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4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 21:33

DSCN7605-copie-1.JPGDSCN7603.JPGDSCN7602.JPGDSCN7601.JPGDSCN7600.JPGDSCN7594.JPGDSCN7591-copie-1.JPGDSCN7590.JPG   Halte amicale chez Cheyne, sur le plateau de pluie, un dimanche au Chambon, en Haute-Loire. Après avoir failli passer la main, Jean-François (Manier) reste l'éditeur (de poésie et de proses de "Grands fonds") qu'on aime. Les machines sont désormais au "Bateau", à Devesset, en Ardèche, juste de l'autre côté de la "frontière". L'ancien atelier de typo est devenu "L'Arbre vagabond". Simon, le fils de Jean-François et de Martine, préside, avec son père, aux destinées de ce bar à vins-restau-librairie. Un ensemble de quelque 200 m² magnifiquement réagencés.

   On peut y assouvir sa faim - ses faims -, boire un verre (le syrah Zig-Zag rubis de Manu et Vincent est excellent), acheter des livres, neufs ou d'occasion, dans l'un des cinq espaces: "Ailleurs" ("Voyages à pied et dans la tête"), "Affaire de goût" ("cuisine, vins, érotisme"), "Poésie" ("La belle aventure"), "Comprendre et refaire le monde" ("Histoire, engagements et lutte") et "Le Livre" ("Dernier refuge de l'homme libre"). Sans oublier, en ce moment (c'est jusqu'au 13 août), un autre plaisir aux notes terreuses, celui de la découverte des toiles de Jean-Pierre Schneider. Tout cela en attendant les prochaines "Lectures sous l'arbre" - les XXIIIe - placées cette année sous le signe du Japon (17-24 août). D.P.

   - "L'Arbre vagabond", "Cheyne" 43400 Le Chambon-sur-Lignon.
   - Cheyne éditeur Au bois de Chaumette 07320 Devesset.


   Le verre de l'amitié avec Jean-François. Les différents espaces de "L'Arbre Vagabond". Les toiles de Jean-Pierre Schneider. Photos © Didier Pobel   (Cliquez sur les images pour les agrandir)


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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 22:02

   Qu'on aime le foot ou pas, on y sera. Parce qu'à ce niveau-là, ce n'est plus tout à fait du foot, c'est du divertissement assaisonné d'un zeste de géopolitique. Et puis parce que c'est l'été et bientôt les vacances et que ces vingt-deux joueurs, dans le poste, en direct du stade Maracana de Rio, c'est peut-être un choc, mais c'est aussi une danse, une fresque, une fête. Alors bien sûr, on a lu un peu partout que, pour les Bleus, il y a désir de venger l'humiliation de Schumacher  (Harald) faite à Battiston (Patrick) en demi-finale en Espagne en 1982. Mais de quoi parle-t-on, et à qui? Autrement dit: qui se souvient de ce qu'on a appelé alors "le traumatisme de Séville"? La page est tournée et ce qui comptera ce vendredi, ce ne sera pas le passé, mais le plus ardent des présents. C'est dans cette chronologie de l'instant que prendront place, ou non, la part de légende, les clameurs de la gloire ou la bourrasque de l'échec. Ce soir, à 18 heures, face au spectacle de cette cour d'honneur qu'est le stade brésilien, avec pizzas, bières et commentaires à portée, nous serons tous des inter mi-temps. D.P.

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 21:46

Sarkozy.jpg   Mais qu'est-ce qu'ils font sur TF1? À coup sûr, ils se sont emmêlés les pinceaux et les cassettes. Au lieu de nous servir le JT du soir, voilà qu'ils rediffusent un ancien numéro. Telle est l'étrange impression qu'on avait en découvrant hier Nicolas Sarkozy interrogé par Gilles Bouleau et Jean-Pierre Elkabbach. Pour un peu, on aurait cru assister à l'interview d'un 14-Juillet passé.

   Oh! les gars, expliquez-nous! Nicolas Sarkozy serait-il redevenu, sans qu'on le sache, président de la République pour s'inviter comme ça à la télévision et à la radio (l'"exclusivité" émanait conjointement d'Europe1)? Eh bien non, rien de tout cela. C'était tout simplement l'homme qui avait été mis en examen la veille pour - excusez du peu - corruption active, trafic d'influence et recel de violation du secret professionnel, qui cabotinait véhémentement dans l'un des plus ostensibles rendez-vous médiatiques. Et pour dire quoi? Qu'il est une victime. Qu'il a été humilié. Que la justice est partisane. Que le pouvoir actuel complote contre lui. Et, last but not least, qu'il va revenir parce qu'il le doit aux Français.
   Au secours! On croit rêver. Ou cauchemarder. Et le pire dans cette mascarade , répétons-le, ce n'est pas seulement que l'intéressé s'y soit prêté - on croit se souvenir que c'est dans sa nature -, mais c'est qu'on lui ait offert une aussi surréaliste tribune. D.P.
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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 23:08

   Une garde à vue, oui. Comme dans le film de Miller. Ça n'est pas rien une garde à vue, tout de même. On imagine Sarkozy en Serrault face à une réplique d'inspecteur Ventura. Avec la tension qui monte. Avec les lumières crues propres à ce genre de situation. Sauf que, stop, la fiction s'arrête là. Le rôle endossé malgré lui par l'ancien président de la République n'est pas celui d'un acteur. L'homme qui est redevenu un justiciable comme les autres doit s'expliquer dans une affaire présumée de trafic d'influence. Un "justiciable comme les autres", vraiment? Ne rêvons pas. Nul ne peut dire ce qu'il adviendra du "présumé innocent" dont on annonçait, précisément, ces jours-ci, le retour en politique, coïncidence à même de faire fantasmer certains commentateurs. Si elle est une première en pareil contexte, la procédure en cours, en fonction notamment de son évolution,  peut être aussi bien un frein qu'un accélérateur. Dans "Garde à vue", il y a "garde" et il y a "vue"Gageons que Nicolas Sarkozy ne veut retenir pour l'instant que le second mot. Pour l'instan... D.P.

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30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 21:43

   C'est beau la liesse. Ça virevolte. Ça pétarade. Ça s'enflamme. Ça réécrit en une grande clameur populaire l'éternel bonheur éphémère d'un peuple un soir de match gagné. Un ballon qui tourne est une planète. Le pied qui l'anime a des vertus divines. Il y a ainsi des 30 juin qui se prennent pour des 14-Juillet quand la moindre saynète de rue semble extraite d'un vieux film de René Clair. La liesse emporte tout. Plus rien n'existe sous son empire.  La liesse, il faut l'aimer, sinon elle n'est plus la liesse. Et sans doute faut-il être passablement mesquin pour reprocher à la liesse d'occuper autant de place dans l'actualité.

   Sauf peut-être, lorsque au même moment, il reste si peu de place pour un fait divers. Des faits divers, il y en a tous les jours, dira-t-on. Oui, c'est vrai, il y en a tous les jours. Mais tout de même... Alors que 5000 candidats à l'immigration ont été secourus ce week-end dernier, un nouveau drame a eu lieu en Méditerranée, au large de la Sicile. Trente réfugiés ont été retrouvés morts, à fond de cale, d'une embarcation, tous noyés ou asphyxiés. Trente victimes de plus, ce n'est pas si futile que ça. Trente personnes: un peu plus que deux équipes de foot...

   Allez, arrêtons, on aurait si vite fait de gâcher la fête. Mais promis, au prochain naufrage,  on s'y arrêtera un peu plus longtemps. Pourvu qu'il n'y ait pas de match ce jour-là. D.P. 

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30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 19:19

   DSCN7608.JPG   Dans le dernier numéro de l'hebdomadaire Voix de l'Ain (du 27 juin au 4 juillet), la présentation de mon récit Un beau soir l'avenir (éditions La Passe du vent) par Nicolas Bernard. (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

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24 juin 2014 2 24 /06 /juin /2014 21:46

   DSCN7382-copie-2.JPG  Il y a 55 ans disparaissait Boris Vian. Il avait dit "Je n'atteindrai jamais les quarante ans". Il a, si l'on ose dire, tenu sa promesse. Le 23 juin 1959, à 39 ans, il s'est effondré sur l'un des sièges du cinéma "Le Marbeuf", près des Champs-Elysées, à Paris, où était projeté pour la première fois le film tiré de son roman J'irai cracher sur vos tombes. Le Collège de pataphysique annonça aussitôt la mort "apparente" du "Transcendant Satrape".

 

"La vie, c'est comme une dent

D'abord on n'y a pas pensé

On s'est contenté de mâcher

Et puis ça  se gâte soudain

Ça vous fait mal, et on y tient

 Et on la soigne et les soucis

Et pour qu'on soit vraiment guéri

Il faut vous l'arracher, la vie."

 

(in Je voudrais pas crever).

 


 

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22 juin 2014 7 22 /06 /juin /2014 22:49

9458_chauvet_01.jpg  Voilà, c'est fait, les Aurignaciens ont remporté la plus prestigieuse des Coupes. Celle du Patrimoine mondial de l'Unesco. Et c'est encore mieux que quelques buts des Bleus contre le Honduras ou la Suisse. Sacrée équipe que ces graffiteurs de grotte! On ne sait pas qui était leur entraîneur. On n'est même pas certains qu'ils en avaient un, il y a plus de 30000 ans, lorsqu'ils dessinaient magnifiquement ours, rhinocéros et lions sur les parois de leur refuge ardéchois. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on aimerait que cette reconnaissance en très haut lieu déclenche l'enthousiasme d'une cohorte de supporters. Que ça "fasse du bien à la France", comme on le dit avec un brin d'emphase les soirs de victoire footballistique tricolore. Bref, soyons Chauvet, mais attention, pas question d'un détour par là-bas sur la route des vacances. Le public n'a pas accès aux merveilles paléolithiques voisines du Pont-d'Arc et le musée accueillant les reproductions n'est pas encore ouvert. N'empêche, en descendant dans le Sud, à hauteur du Vivarais, ayez une pensée pour l'extraordinaire bestiaire que vous effleurerez. Bisons futés vous le recommandent. D.P. 

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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