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25 octobre 2014 6 25 /10 /octobre /2014 19:09

DSCN9108.JPG   DSCN9106-copie-1.JPG   Ce sera le samedi 15 novembre, à partir de 15 heures, à la librairie Decitre de Grenoble. Un rendez-vous à noter dans les agendas, pour ceux, en tout cas, qui vivent dans les parages.

   

   (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

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23 octobre 2014 4 23 /10 /octobre /2014 21:22

   DSCN8893.JPG Qui a dit que tout allait mal dans notre vieux pays qui ne cesse de s'autoflageller? Une chose est sûre, cet automne les déclinologues patentés ont au moins deux ou trois bonnes raisons de nous lâcher la grappe. Car non seulement nous venons de récolter une paire de Nobel, mais la France vient aussi de retrouver son titre de premier producteur de vin de la planète, un rang qu'elle avait dû concéder l'année précédente à l'Italie (*). Dommage qu'Arnaud Montebourg - Bourguignon de surcroît - ne soit plus à Bercy. On l'imagine, en effet, s'enthousiasmant d'un tel exploit hexagonal vêtu d'une feuille de vigne plus seyante encore qu'une marinière. Peu de chance, en revanche, que François Hollande lève son verre pour saluer ce bon cru. Prudent, sans doute préfère-t-il attendre encore un peu qu'arrivent quelques très improbables autres nouvelles du même tonneau. D.P.

Photo © D.P. 

    (*) Selon les chiffres publiés ce jeudi 23 octobre par l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), la France totaliserait 46,2 millions d’hectolitres dans ses cuves, soit une hausse en volume de 10 % par rapport à 2013.
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21 octobre 2014 2 21 /10 /octobre /2014 21:01
  • samuelbeckett-mariodondero-photography-monochrom-cd5b8273eb.jpg   Il était le dernier. Le dernier de la célèbre photo fortuitement immortalisée par Mario Dondero, en 1959, devant les éditions de Minuit, rue Bernard-Palissy à Paris. Le dernier si l'on se réfère au cadrage. Tout à droite, main gauche dans la poche du pantalon. Un peu comme étranger à la bande de ceux que l'on appelait alors les écrivains du Nouveau roman. De gauche à droite: Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Claude Mauriac, le "patron" Jérôme Lindon, Robert Pinget, Samuel Beckett et Nathalie Sarraute. Le dernier survivant aussi de cette école qui n'en n'était pas une. Claude Ollier, mort samedi à l'âge de 91 ans, était sans doute, de surcroît, le plus méconnu de l'"équipe". Son talent d'écrivain était pourtant bien réel. Mais s'il avait obtenu le prix Médicis dès ses débuts avec La Mise en scène, chez Minuit en 1958, le sort de l'oeuvre qui suivit, pourtant dense et cohérente, fut plus aléatoire. Au total, une cinquantaine de livres publiés également chez Flammarion, Gallimard et POL comme Qatrastrophe en 2004 d'où ces lignes, aux inflexions, à la fois légères et crépusculaires - sa marque de fabrique, si l'on ose l'expression -, sont extraites: "La très faible rumeur du monde ce soir à ses oreilles - comme elle était faible déjà au terme du long parcours avant la douane! - se résout en sifflements et crissements comme d'insectes en canicule, l'acouphène naissant coupe espoir de rumeur nocturne, paravent d'osselets tintant". D.P.
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20 octobre 2014 1 20 /10 /octobre /2014 10:10

   DSCN9059.JPG   Trois récents billets parus dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain: "Merci pour ce monument" (26 septembre), "Avec Descombin" (3 octobre) et "Ailes et Sébastien" (10 octobre). Celui de cette semaine, qui revient sur le sacre de Patrick Modiano par l'Académie suédoise ("Nobel de la mémoire"), sera lisible ici prochainement.

   (Cliquez sur les images pour les agrandir).

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19 octobre 2014 7 19 /10 /octobre /2014 22:48

    images--1-.jpgAh! le beau week-end d'octobre que nous venons de vivre. Les vacanciers de la Toussaint ont sorti les maillots de bain, qu'ils n'avaient d'ailleurs pas pu utiliser cet été, et Le Guinness des records a brandi son thermomètre comme les vigiles du virus Ebola. Pensez donc! 

Il a fait 29° en Aquitaine, 28 à Clermont-Ferrand, 27 à Biarritz, 25 à Lyon et Grenoble...

Et à Lille? Lille, vérification faite sur la carte de Météo France, a affiché un petit 22°.


   Bah! Il doit y avoir une erreur ou alors c'est à n'y plus rien comprendre car c'est bien de cette ville qu'a soufflé tout au long de ce dimanche un brûlant vent de fronde ciblant tout particulièrement la politique économique du gouvernement et ses tentations libérales. Celle qui est à l'origine de ce coup de chaud sur la vie politique,c'est évidemment la première magistrate de la capitale du Nord dont l'interview sans concessions dans Le JDD ont amené Manuel Valls a rappeler qu'il avait "les nerfs solides". Élégante manière pour lui de préciser qu'il se serait bien passé - doux euphémisme - de ce relevé de températures sous Aubry. D.P.

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16 octobre 2014 4 16 /10 /octobre /2014 23:27

   images.jpg   On savait Manuel Valls proche de Tony Blair ou de Gerhard Schröder mais pas de Giscard. C'est bien à lui pourtant qu'il fait immanquablement songer dans son dernier plan com', gros comme une porte de grange d'alpage. VGE, on s'en souvient - ou pas - avait décidé, dans les années 70, de s'inviter chez les vrais gens pour mieux  "regarder la France dans les yeux". L'actuel Premier ministre, accompagné de Stéphane Le Foll, a choisi, lui, un gîte rural savoyard pour passer la nuit, avant de participer ce vendredi matin à la traite dans une exploitation voisine - à défaut de croissance, vive l'Abondance! -, puis de rejoindre le congrès des Élus de montagne à Chambéry. Pas d'oeufs brouillés - Giscard en raffolait - au menu qui a précédé son sommeil au grand air mais de la matouille. Attention, avec un "t" ("Pour une fois", souriront les mauvaises langues). Vous ne savez pas ce qu'est la matouille?  C'est de la tome passée au four, avant d'être dégustée avec des pommes de terre et de la charcuterie.

   Cette brève aspiration à une politique de Bauges est-elle vouée à redonner un peu d'altitude à la cote du chef du gouvernement? Rien n'est moins sûr, surtout si l'on se fie aux retombées du fameux précédent qui prêta plus à ricaner dans les chaumières qu'à réélire le président à l'accordéon. Ah! oui, encore un détail. Le gîte en question - classé trois épis, tout de même - est situé sur la petite commune de La Compôte. Pourvu que tout ça ne finisse pas en marmelade! D. P.

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14 octobre 2014 2 14 /10 /octobre /2014 21:19

Les autoroutes gratuites le week-end, c'est une super bonne idée. Aller déjeuner chez belle- maman à moindre frais, tout le monde en rêve, non? Tout comme sortir un peu les gosses sans bourse déliée. C'est à se demander pourquoi la suggestion de la ministre de l'Écologie a aussitôt été jugée "difficilement envisageable" par Manuel Valls. Bon, c'est vrai que c'est sans doute un brin utopique, mais ce n'est tout de même pas du Alphonse Allais qui voulait, lui, construire les villes à la campagne car l'air y est plus pur.

   Le problème, c'est qu'on n'est pas vraiment persuadé que la trublione croit vraiment à ce qu'elle dit. On a au contraire le sentiment que, pour vaincre un vague ennui naissant, elle a voulu agiter un peu le cocotier du pouvoir. Et rappeler qu'elle n'est pas n'importe qui. Ex-candidate à la présidentielle et ex-épouse de qui l'on sait. "Le Premier ministre osera-t-il me recadrer, moi Ségolène Royal?"  Eh bien oui, il s'est permis de rabrouer l'excès de "bravitude" de celle qui, juste auparavant, s'était déjà autoproclamée fossoyeuse de l'écotaxe. Oh! pas de façon véhémente mais il l'a fait en renvoyant l'"imprudente" contre la glissière de sécurité gouvernementale.
   Pas sûr, toutefois, qu'elle soit très impressionnée et il est plus que probable qu'elle n'a qu'une idée en tête: reprendre à contresens l'autoroute du gouvernement. Ne serait-ce que pour tester son réseau. D.P.   
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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 20:58

   telechargement--2--copie-4.jpgtelechargement--3--copie-1.jpg   C'est drôle, parfois, la destinée. Patrick et Jean ne se connaissaient pas. Jamais ils ne s'étaient rencontrés. Ils n'étaient pas amis sur Facebook, ils ne s'échangeaient pas des pokes. Il faut dire que si Jean ne fréquente pas les bistrots interlopes et les music-halls désaffectés, Patrick, lui, n'a jamais mis les pieds dans un laboratoire. Il y avait donc peu de chance pour qu'ils se retrouvent un jour ensemble. Or, contre toute attente, les voici pourtant réunis. Sinon de façon concrète, du moins virtuellement. Pas moyen d'entendre évoquer Jean ce lundi sans que son nom soit aussitôt accolé à à celui de Patrick.

   Que s'est-il donc passé, bigre, pour qu'il en soit ainsi?  Oh pas grand-chose, juste le miracle d'un prix Nobel qui, à quelques jours d'intervalle, leur tombe sur la tête. Ah! oui, encore un détail: Patrick et Jean sont tous deux citoyens d'un vieux pays désespéré qui adore se réchauffer à la gloire soudaine de ses élites. Deux "héros"  pour le prix d'un, pensez donc! Il n'en faut pas plus pour qu'ici ou là on pavoise. "Quel pied-de-nez au french bashing!" s'est ainsi  enthousiasmé Manuel Valls.
   Patrick et Jean, eux, s'en fichent un peu. Ils sont timides l'un et l'autre et sont prêts à retourner à leur passion. La littérature pour le premier, l'économie pour l'autre. Manquerait plus qu'on les instrumentalise. Jean a dit qu'il allait continuer ses recherches. Patrick n'a jamais cessé de poursuivre les siennes. Bonne continuation et encore bravo MM. Modiano et Tirole. D.P. 
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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 21:32

  vaisselle-copie-1.jpg   Cela s'est passé en catimini vendredi à l'Assemblée nationale. À l'initiative des écologistes, les députés ont voté la prohibition des couverts en plastique jetables à compter de 2020. Avouons-le, en entendant ça, on aurait presque envie de sourire. La mesure est pourtant des plus sérieuses. En fait, l'objectif est double qui consiste tout à la fois à réduire "l'énergie consommée pour la fabrication de ces produits et la pollution provoquée lorsqu'ils sont laissés dans la nature". Allons, que celui qui n'est pas prêt à alourdir un peu son cabas à pique-nique pour sauver la planète lève son gobelet.

   Cela dit, comment ne pas se persuader qu'une autre vaisselle devrait plus prioritairement être interdite? Celle, par exemple, qu'on ne cesse de se jeter à la figure au sein de l'exécutif. La dernière scène entre Manuel Valls et François Hollande porte sur la réforme de l'assurance chômage. Le premier est pour, le second s'y oppose. Et voilà que, faisant fi du couperet présidentiel, Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, se range du côté du chef du gouvernement. Une fois de plus, les assiettes volent bas dans ce ménage à trois. Quant aux chômeurs médusés, c'est pour la leur, faut-il le préciser, qu'ils craignent le plus.  D.P.

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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 20:13
    DSCN8909-copie-1.JPGDSCN8949-copie-2.JPGDSCN8951.JPG   La douzième édition des "vendanges littéraires"  de Rivesaltes est close depuis quelques jours. Pour ouvrir l'album des 4 et 5 octobre derniers, petit arrêt incontournable sur l'apéritive cargolade dans les vignes du domaine Lhéritier. Le feu de sarments nargue la garrigue. Les verres s'arrondissent de lumière. Cépage muscat d'un côté, grenache de l'autre. Et au milieu coule la ferveur des échanges. Venue en voisine de son repaire d'Estagel, avec son mari Jacques Henric, écrivain et photographe, Catherine Millet, est la lauréate 2014.
    En attendant son tour, prévu pour le lendemain, c'est le Catalan Jaume Cabré, prix Jean Morer, qui ouvre le ban des rencontres sous le vénérable et rassembleur platane de la place Charles-de-Gaulle. L'auteur de l'imposant Confiteor (Actes Sud) répond aux questions de Bernard Revel et de Carole Vignaud, respectivement président et membre du jury. "Les violons et les chats ont la même philosophie de la vie". Tiens, voilà une phrase parmi d'autres saisie, comme ça, à la sauvette. Place ensuite au lauréat du bien nommé prix Coup de foudre. En l'occurrence, un éditeur: Frédéric Martin, créateur de l'enseigne Tripode, et dont la passion des livres n'oublie pas ce qu'elle doit au grand aîné récemment disparu, Jean-Jacques Pauvert. 
   Pour la seconde journée, le ciel dominical se couvre et la tramontane rôde mais, miracle, il ne pleut pas. Le maire, André Bascou, vient remettre les prix, avant que ne commence l'entretien avec Catherine Millet, mené par Marie Bardet et Henri Lhéritier. Il y sera question de l'enfance, de la femme, de la pudeur et bien sûr de cette étrange activité qui consiste à mettre des mots les uns à côté des autres. "Écrire, c'est un travail de terrassier", conclut l'invitée entre deux volées de cloches du beffroi voisin. Une définition que ne renie pas Gil Graff, prix Vendémiaire pour Personne ne parlera de nous lorsque nous serons morts (éditions Ultima Necat), qui sait capter l'attention de son auditoire, aiguillonnée par Sylvie Coral et Christian Di Scipio. 
   Mais c'est un lieu commun que de rappeler à quel point le temps file lors de ces désormais incontournables rendez-vous automnaux de Rivesaltes. Il faut déjà se dire "À l'année prochaine!" D'ici là, l'eau de l'Agly aura coulé sous les ponts, le vin se sera bonifié dans les cuves des domaines riverains. Et les livres auront glissé dans les mains des jurés avec des mots chuchotés comme des secrets de vinification lente. D.P.   

   - Lauréats et jurés à l'heure de la cargolade dans les vignes. De gauche à droite: Martine Delcamp, Marie Bardet, Bernard Revel, Jaume Cabré, Catherine Millet, Carole Vignaud, Frédéric Martin et Henri Lhéritier.
   - Un peu plus tard sous le platane, une partie des mêmes avec, également, André Bascou, le maire de Rivesaltes, Gil Graff, Christian Di Scipio et Sylvie Coral.
   - Toujours sous le platane, la lauréate du prix des "Vendanges littéraires" 2014, Catherine Millet, interrogée par Marie Bardet et Henri Lhéritier. Photos © Didier Pobel.
   (Cliquez sur les photos pour les agrandir).
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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