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24 mars 2015 2 24 /03 /mars /2015 21:08

 DSCN1115.JPGDSCN1116.JPGDSCN1117.JPG Mes derniers billets dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain"La philo au comptoir" (13 février), "Récupération" (20 février), "Triste histoire" (27 février), "L'art de l'amitié" (6 mars) et "Question centrale" (13 mars). Celui du numéro en kiosque cette semaine ("Attention les yeux!") sera lisible ici prochainement. 

(Cliquez sur les images pour les agrandir).

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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 22:21

cigare.png   Savez-vous ce qu'a fait Manuel Valls en découvrant les premiers résultats des élections départementales dimanche soir? Il a allumé un cigare. Si, si. C'est France Info qui nous l'apprend, sans nous dire si c'est un Cohiba ou un Montecristo. Un geste, paraît-il inhabituel pour lui, mais qui se voulait une manière de clin d'œil. Il s'agissait pour le Premier ministre d'envoyer un signal de fumée. Juste quelques volutes gris-bleu soufflées au nez d'une France pas encore entièrement revêtue de son habit marine. Havane que pourra!

   Alors, évidemment, cette pétunante histoire a aussitôt fait le tour des réseaux sociaux, avec commentaires, sarcasmes et détournements en prime. Ceux qui croient aux symboles se diront que ce n'est sans doute pas par hasard si l'hôte de Matignon a brandi un objet à combustion lente en apprenant que son parti n'était pas entièrement cramé. Au moins reste-t-il ici ou là une petite flamme...

   Nicolas Sarkozy, on le sait, ne fume pas. C'est lui pourtant qu'on aurait bien vu avec un barreau de chaise à la bouche. Le soir où l'UMP fait un tabac, ça ne devrait pas se refuser. Surtout quand, par ailleurs, on se shoote à la nini-cotine. D.P.

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22 mars 2015 7 22 /03 /mars /2015 22:14

   Sauf à considérer qu'on y gagne un relief particulier lors des soirées qui suivent, il faudra peut-être qu'on arrête un jour de faire les élections avant qu'elles n'aient eu lieu. Car enfin quoi, ce qui s'est passé ce dimanche, au terme d'un premier tour des départementales, dément, ou du moins rectifie largement, les résultats annoncés. D'abord du fait d'une abstention, à 49,4 %, moindre que celle qui paraissait inéluctable. Ensuite parce que si, avec 36% des voix, la droite est bien la gagnante comme prévu, la majorité, sous le coup d'un probable "effet Valls" (28,5 %), a résisté beaucoup mieux que les sondages ne le prédisaient et, surtout, le Front National, autoproclamé "premier parti de France"  lors des dernières européennes, est tout de même, à 24,5 %, loin du triomphe claironné par Marine Le Pen. Ce qui est sûr, en revanche, et cela sans réelle surprise, c'est que le second tour devrait bel et bien confirmer une volonté de changement. Au fond, on peut dire que, contrairement à Paris qui rechigne à appliquer ce lundi les consignes routières anti-pollution, notre pays, lui, se déclare favorable à une conduite alternée, en tout cas sur le réseau départemental. Un coup pour les plaques gauches, un coup pour les droites. Et cela, bien sûr, sans que les particules fines du FN n'aient dit leur dernier mot. D.P.

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19 mars 2015 4 19 /03 /mars /2015 19:07

   DSCN1054.JPGDSCN0946.JPGDSCN1007.JPGDSCN0749.JPGDSCN0781.JPGDSCN0800.JPGDSCN0824.JPGDSCN0853.JPGDSCN0876.JPGDSCN0961.JPGDSCN0984.JPGDSCN0995.JPGDSCN0999.JPGDSCN0857.JPGDSCN1035.JPG                                       

           

                                                                                                                                                                                                 "Pour être un peu critique, elle a les épaules qui tombent, non?" Je me retourne. Le type est là qui hoche la tête. C'est un de ces visiteurs qui a longtemps fait la queue pour entrer aux Offices de Florence. Et donc, à l'en croire, il y a des imperfections dans La Naissance de Vénus. Mais ouf!, juste à côté, Le Printemps rayonne et  notre fâcheux trouve ça "magnifique". Botticelli, lui, s'en fiche. Sa Primavera ne se tient pas seulement dans l'ombre d'un mur, accrochée dans un prestigieux musée, elle éclate un peu partout en Toscane en ces radieux jours de mars. À Pise, où rôde le fantôme de Tabucchi, "avec cette tour imprécise qui cherch[e] sa vérité pratique dans la brume", un doux parfum de mimosa flotte autour du Dôme, du baptistère, du Campo Santo et de la fameuse "Torre Pendente"À Lucques (Lucca), il faut cligner des yeux sans qu'on puisse dire si c'est à cause de la lumière ou de la splendeur de la chiesa Sa Michele in Foro ou de la cattedrale San Martino. Les premières mesures de La Bohême de Puccini, dont la maison natale est à deux pas, accompagnent notre ascension de la Torre Guinigi au sommet de laquelle, on se demande bien comment poussent sept chênes verts. 230 marches plus bas, il est l'heure du spritz à l'une des terrasses de l'épatante petite place de l'Anfiteatro.

   Du soleil dans le verre, du soleil sur la peau... Si Pise et Lucques sont encore relativement épargnées, dans la capitale toscane la foule est déjà au rendez-vous. La cohue de la via Panzani mène tout droit à la plus fameuse des piazzas. Celle qui regroupe, excusez du peu, le Dôme de Brunelleschi, le campanile de Giotto et le baptistère de Ghiberti. Le poème de marbre blanc et vert n'en finit plus de s'écrire devant nous dans le perpétuel répons des cloches de la ville. Devant son David nu comme au premier matin du monde, Michel Ange murmure quelques-uns de ses vers: "Si le cœur se lit par les yeux sur le visage, / comment trouver ailleurs un signe plus probant / de ma flamme?" Au moment où des grappes de Japonais munis de perches à selfies - l'ustensile est incontournable ici - traquent au ciel leur reflet fugace, Dante entre un instant à la Bibliothèque des Oblate (via dell'Oriulo, 26). Et cette ombre, soudain devant nous, n'est-ce pas celle de Laurent Le Magnifique s'engouffrant secrètement dans le passage de Vasari? 
  La basilique Santissima Annunziata, l'hôpital des "Enfants enrubannés" avec ses médaillons d'Andrea della Robia, Santa Maria Novella, Santa Reparata... Gare au "syndrome de Stendhal", ce vertige hallucinatoire dont fut victime, en 1817, l'auteur de Naples, Rome et Florence en sortant de Santa Croce. On ne sait pas si pour reprendre ses esprits, Henri Beyle traversa alors le Ponte Vecchio, en quête, "Oltrarno", d'une pause sur l'esplanade du palais Pitti ou sur les marches de San Miniato al monte d'où il suffit d'un voile de brume pour que la vue sur Florence se confonde avec une toile du Quattrocento.
   Nous voici, pour notre part; sur la plus modeste piazza Santo Spirito avec ses terrasses (Ah! les spaghetti alla chitara, aglio, olio e peperoncino de l'Osteria du même nom) où s'allument le soir les langues bleues des chauffages au gaz. C'est à cette place que Yannick Haenel consacre le dernier chapitre de son nouveau récit, Je cherche l'Italie ("L'Infini", Gallimard). Puissent ses mots devenir nôtres: "Si je parviens à me concentrer, si je reste disponible, si mes phrases maintiennent en elles l'intensité qui les ouvre aux fresques de Paolo Uccello et de Fra Angelico, aux bronzes de Ghiberti, aux pierre de Brunelleschi, alors la poésie ne s'interrompra plus en moi: je deviendrai entièrement l'expérience qui m'anime, je ne serai plus que poésie - ma vie sera un chant, une écoute vivante" (p. 199).
    On ne quittera pas ces éternels paysages surlignés à l'horizon d'un reste de neige appenine sans une échappée à Sienne où l'on aimerait pouvoir coller contre son oreille l'étonnante coquille Saint-Jacques de la piazza del Campo, avant d'entrer, souffle coupé, dans le Dôme où la splendeur du pavement rivalise avec la majesté du marbre zébré de noir et de blanc semblable à celui de la façade. Alentour, on saluera les remparts de la cité médiévale de Monteriggioni et les tours de San Gimignano fières sur ces collines bleutées, ponctuées d'oliviers et de cyprès, qui furent le dernier refuge de Léo Ferré venu, sans Dieu sans maître, "reverdir dans cette campagne toscane" qu'il quitta définitivement - "Et basta!" - un certain 14 juillet 1993. Allez, vous reprendrez bien en passant - ou simplement en pensées - un petit verre du chianti classico de Mathieu et de Marie? Le dernier, pour la route. D.P.
     
   Avec, par ordre d'apparition à l'image: Le couloir de Vasari et le Ponte Vecchio vus des Offices ; la cathédrale ("Duomo") de Florence ; celle de Sienne ; celle de Pise avec la fameuse Tour penchée ; les palais et les maisons du Lungarno Pacinotti de Pise se reflètant dans l'Arno ; Lucques vu de la Tour Guinigi ; l'heure du spritz sur la place de l'Amphithéâtre (Piazza dell'Anfiteatro) de Lucques ; la nuit florentine sur le Ponte Vecchio ; plongée sur Florence depuis l'esplanade Michelangiolo ; le campanile de Florence vu du sommet de la coupole ; la campagne toscane, avec collines, cyprès et oliviers, du côté de San Gimignano ;  comme une apparition, la plus fameuse place de Sienne et peut-être d'Italie: la Piazza del Campo ; l'éblouissant intérieur de la cathédrale de Sienne ; la pause spaghetti alla chitara... à l'Osteria Santo Spirito; sans oublier, comme l'éternelle métaphore de tout le reste, Le Printemps de Sandro Boticelli au Musée des Offices.    Photos @ D.P.  (Cliquez sur les images pour les agrandir).
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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 22:20

 DSCN7152  Lors de leur sauvage attaque ce mercredi dans le quartier du Parlement tunisien, les assaillants - sans revendication et non encore identifiés -  avaient manifestement un triple objectif. Frapper le tourisme, première ressource économique locale. Stigmatiser la culture et l'histoire incarnées, dans la capitale, par le musée du Bardo où se sont déroulés une partie des faits. Et bien sûr saper la jeune et fragile démocratie du seul pays qui semble enfin avoir réussi sa transition après le départ de Ben Ali. S'ils sont parvenus à semer la mort - 22 personnes auraient perdu la vie et on déplore de nombreux blessés dont six Français - et à susciter un énorme choc, ils n'ont néanmoins pas atteint leur but. La réaction sur place, sous la forme d'un immédiat sursaut unitaire, n'a pas manqué, en effet, toute proportion gardée, de faire songer à ce qui s'est passé chez nous au lendemain des attentats de Paris. Et c'est bien évidemment la seule attitude à afficher face au terrorisme, d'où qu'il vienne. Les tueurs du premier printemps arabe ont fait couler le sang mais, à l'avant-veille du 20 mars, ils n'ont pas saccagé le jasmin de la belle résolution d'un peuple auprès duquel nous sommes tous en ces moments tragiques. D.P.    

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17 mars 2015 2 17 /03 /mars /2015 23:21

   9782702155998.jpg   Il a cent printemps aujourd'hui. Sans tapage. Sans honneur qui dépasse sa petite contrée. Et pourtant Jean Anglade n'est pas n'importe qui. Il a écrit une centaine de livres que des dizaines de milliers de lecteurs ont lus. L'un d'entre eux, Le Semeur d'alphabet (Presses de la Cité, 2007), titre qui pourrait définir son auteur, figure à la douzième place des ouvrages les plus empruntés en bibliothèques. Le problème - pas pour lui évidemment -, c'est que l'homme au nom de coureur cycliste d'autrefois n'a jamais été à la mode. Du coup, on l'a parfois taxé de ringard. Ringard, l'inlassable colporteur de mémoire? S'il l'est, c'est comme un fromage, comme une saucisse au chou, comme un couteau. Ah! oui, l'agrégé d'italien, qui eut Michel Charasse comme élève, est auvergnat, faut-il le préciser.

   Né le 18 mars 1915 au hameau des Bonnets, à Escoutoux, entre Dore et Durolle, au cœur du Massif Central, il ne s'est jamais vraiment éloigné de son "pays" qui fut aussi celui d'Henri Pourrat, avec qui on le confond parfois, et de Vialatte (Mais Vialatte, lui, ne parlait pas patois...). Né d'un père ouvrier maçon mort à la Grande Guerre et d'une mère servante, le normalien devenu enseignant  écrit dans ses moments perdus pour retrouver la voix des disparus et faire vibrer l'âme d'un terroir, et cela sans jamais avoir peur du mot "populaire", fût-il ici ou là assorti de sarcasmes. Les titres de sa ribambelle de romans ont la ferveur d'un rond de gentianes dans une pâture à aubracs: Les Mauvais pauvres (Plon, 1954), La Foi et la montagne (id., 1961), Le Voleur de coloquintes (Julliard, 1972), Le Noël aux prunes (id., 1983), Le Temps et la paille (Presses de la Cité 2006)...
    Biographe, par ailleurs, de son concitoyen Blaise Pascal, d'Hervé Bazin ou des frères Montgolfier, le traducteur occasionnel de Machiavel et de Boccace n'a en fait jamais cessé de célébrer les hommes confrontés aux rudesses de l'existence et aux défis. On entend dans ses pages siffler les lames de Thiers sous la meule, crisser la neige qu'on piétine sur la chaîne des puys, gueuler les bêtes dans le dédale des contes et légendes. Le jour de son centième anniversaire, Jean Anglade, bon pied, bon œil (il a tout de même eu droit, la veille, au "13 heures"  de Pernaud) va écrire. Comme d'habitude. Souffler des bougies, ce n'est pas son truc. À la rigueur un volcan... D.P.

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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 23:15

  DSCN0870.JPG   Comment va le livre? Depuis le temps qu'il meurt, il ne se porte pas si mal. Voilà à peu près ce qui ressort des deux enquêtes réalisées par Ipsos pour le Centre national du livre (CNL) et le Syndicat national de l'édition, à quelques jours de l'ouverture du sacro-saint Salon annuel de la porte de Versailles, sans oublier de belles initiatives en province comme le Printemps du Livre de Grenoble (du 25 au 29 mars). Le vrai problème réside, semble-t-il, dans le fait que si le traditionnel parallélépipède de papier et d'encre résiste, c'est plus à travers son aura que pour sa fonction initiale. Pour huit Français sur dix, il constitue le présent idéal, mais probablement davantage pour la personne qui offre que pour celle qui revendra souvent son cadeau sur e-Bay ou ailleurs avant d'en avoir tourné les pages.

   Lire est une activité assez unanimement considérée comme noble, à condition qu'on ait le temps de s'y vouer. La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, ne serait donc pas la seule à tenter de se trouver ainsi des excuses, elle qui, il y a quelques mois, justifiait sa méconnaissance de Modiano par un emploi du temps trop chargé. Autre sujet de préoccupation qui n'étonne pas vraiment; les jeunes lisent de moins en moins, en dépit de l'engouement d'une partie d'entre eux pour la science-fiction et la fantasy. Une désaffection que ne contrecarrent nullement les ouvrages numériques et qui, du coup, ne manque pas d'inquiéter pour l'avenir dans la belle patrie de Montesquieu et de Proust, ce pays où l'on aime les livres. Y compris ceux qu'on ne lit pas. D.P.

(Photo © D.P.)

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 22:11

Jean Ferrat (26 décembre 1930 / 13 mars 2010).

"Au printemps de quoi rêvais-tu?
Vieux monde clos comme une orange,
Faites que quelque chose change,
Et l'on croisait des inconnus
Riant aux anges
Au printemps de quoi rêvais-tu?".

(Photos © D.P.)

Avril 2012, Vogüé 048DSCN7441-copie-1.JPGDSCN7439.JPGDSCN7438.JPG

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13 mars 2015 5 13 /03 /mars /2015 23:15

   DSCN1093.JPGDidier-PobelDSCN1095-copie-1.JPG

 

   Ctait tout à l'heure, vendredi 13 mars, à la médiathèque de Treffort-Cuisiat, dans l'Ain. Une assemblée sympathique et attentive venue du village revermontois ou des communes alentour m'écouter parler d'écriture, de poésie, de livres. Notamment du dernier paru, Un beau soir l'avenir (La Passe du vent). Il fut question de retraite, de journalisme, de temps qui passe, de pouvoir des mots. Et de beaucoup d'autres choses. Un clin d'œil particulier à quelques "vieilles" connaissances qui, avant de partir, avaient déniché sur leurs étagères mon tout premier recueil paru en... 1974. Merci à l'efficace maîtresse des lieux, Déborah Collard, ainsi qu'aux sept bénévoles de la bibliothèque. Merci aussi à la librairie Montbarbon de Bourg pour l'"intendance" à l'heure des dédicaces. D.P. 

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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 22:16

  telechargement--2--copie-4.jpg    Ce n'est sans doute pas un grand bouquin - mais qu'est-ce que ça veut dire, au juste? -, pas un de ces ouvrages savants qu'on met de côté pour le lire plus tard, c'est-à-dire la plupart du temps jamais. Non, c'est plutôt quelque chose comme une conversation qu'on capte au bistrot ou dans la salle d'attente d'un médecin. De santé, justement, il en est beaucoup question dans ce livre. Du mal sournois qui s'avance. Mais aussi de ce péril plus scandaleusement naturel qui s'appelle la vieillesse. Avis non autorisés paraît aujourd'hui aux éditions des Équateurs sous la plume de Françoise Hardy. Une confession mezzo-voce dans laquelle la chanteuse des sixties et des années Berger/Gainsbourg se met à nu. C'est  le strip-tease d'une pudique, le soliloque d'une taiseuse,  la leçon de ténèbres d'une astrologue. Avec ici ou là les inflexions d'un hymne à l'amour pur comme la romance d'un manouche sans guitare. On peut évidemment se moquer de ce que la créatrice de Mon amie la rose pense de Fillon ou de Juppé et certaines anecdotes paraîtront sans doute assez dénuées d'intérêt, mais l'ex-yéyé qui entend bien disparaître avant Jacques Dutronc, son mari, son "veuf imminent", est d'une sincérité si désarmante qu'on prend tout en bloc avant même d'avoir tourné la dernière page.C'est un livre que tous les garçons et les filles de mon âge aimeraient pouvoir écouter à la manière d'un disque qui fait onduler ses traits noirs et ses stries de lumière sous le bras d'un vieux Teppaz. Un message personnel que ces Avis non autorisés? Oui, mais passionnel avant tout: " Si le dégoût de la vie vient en toi / Si la paresse de la vie / S'installe en toi / Pense à moi / Pense à moi...". Mais oui, soyez-en sûre, on pense hardiment à vous, Françoise. D.P.

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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